Adlane Fellah, directeur de recherche chez Maravedis : ”2010 sera un bon cru pour le WiMAX mobile”

Le 16/08/2010 à 18:42 par La Rédaction

Après un certain retard au décollage, dont la bataille politique avec les partisans du camp 3G est l’une des causes, le WiMAX prend doucement son envol. Adlane Fellah, fondateur de la société d’analyse Maravedis, estime qu’environ 10 millions de puces WiMAX seront livrées cette année. Quelle est la situation du WiMAX aujourd’hui ?

Adlane Fellah : L’état actuel de l’industrie WiMAX peut être analysé sous différents angles. Du point de vue des déploiements, le Forum WiMAX fait état de plus de 500 réseaux, soit opérationnels, soit en voie de l’être. Si ce chiffre peut paraître élevé, le nombre d’abonnés reste quant à lui plutôt modeste. A la fin de 2009, il était de 6,5 millions, ce qui est bien évidemment très faible en comparaison des statistiques relatives au 3G. En revanche, dans notre première édition du rapport d’analyse « 4Ggear », publié en mars 2010, nous avons noté une claire accélération dans la croissance du nombre d’abonnés dans les réseaux WiMAX mobile, en particulier au cours du second semestre 2009. Cela s’est traduit par plus de 5 millions de circuits livrés en 2009, pour seulement 1,3 million en 2008. 2010 promet donc d’être une bonne année pour le WiMAX mobile. En ce qui concerne le WiMAX fixe, le marché est en revanche en déclin à tous les points de vue. Selon notre analyse, le WiMAX fixe sera rapidement confiné à des marchés de niches tels que la surveillance vidéo ou les réseaux privés.

Avec le recul, quelles sont les raisons qui ont freiné l’essor du WiMAX ?

Adlane Fellah : Une combinaison de facteurs a contribué à ralentir l’essor du WiMAX. La bataille politique entre le camp WiMAX et celui du 3G n’est pas la moindre raison. Cette lutte a porté sur différents champs, incluant un travail de lobbying efficace effectué par le camp 3G auprès des régulateurs. Des pays comme le Brésil, la Chine ou l’Inde ont, soit retardé l’ouverture du spectre au WiMAX mobile (2,3 et 2,5 GHz), soit ont mis en place de sévères restrictions quant à son usage. De telles mesures n’ont pas encouragé les investisseurs ni les opérateurs. La bataille a également porté au niveau du message adressé aux opérateurs mobiles 2G et 3G, leur offrant une roadmap agressive pour déployer le LTE au lieu du WiMAX. Par ailleurs, le Forum WiMAX a aussi une part de responsabilité pour ne pas avoir inclus la bande 700 MHz parmi les profils de bandes certifiées. Cette portion du spectre est en effet idéale pour couvrir de grands réseaux. Enfin, la crise mondiale a également réduit la marge financière de nombreux opérateurs.

En 2009, vous avez estimé aux alentours de 4 millions le nombre de chipsets WiMAX commercialisés. Quelles sont les perspectives pour 2010 ?

Adlane Fellah : La fin de l’année 2009 a été très dynamique. Beceem a annoncé des livraisons de 1 million d’unités au troisième trimestre, et autant pour le trimestre suivant. Sequans a consolidé sa place de numéro 2 et, surtout, a commencé à déployer sa solution monopuce. Sur le site du Forum WiMAX, nous constatons aussi de plus en plus de netbooks certifiés. A notre avis, ils vont devenir un vecteur extraordinaire de croissance pour le WiMAX. Enfin, deux opérateurs, Yota en Russie et Sprint/Clearwire aux Etats-Unis, démontrent que le WiMAX est une technologie viable. Par conséquent, nous escomptons plus qu’un doublement des volumes pour 2010 et nous devrions dès lors être aux alentours des 10 millions d’unités livrées.

Dans l’une de vos études, vous dénombrez quatorze fabricants de chipsets WiMAX. Qui survivra ?

Adlane Fellah : Nous n’avons pas constaté de changements profonds depuis la parution de notre première analyse sur les chipsets WiMAX, en mai 2009. Seul le californien NextWave a officiellement jeté l’éponge au deuxième trimestre. Nous observons actuellement un mouvement vers le LTE, selon deux axes principaux : des solutions programmables supportant WiMAX, LTE et parfois d’autres standards et des chipsets dédiés LTE. Je ne suis pas un adepte des solutions programmables qui couvrent un large spectre de technologies. Elles sont plutôt typiques des start-up qui, à la recherche de clients ou d’un marché de niche, lancent des solutions génériques. En pratique, les chipsets qui partent en production sont optimisés en coût, taille et consommation. Ils sont taillés pour répondre aux besoins des opérateurs et des fabricants de produits WiMAX. Une autre tendance, observée à partir du deuxiè-me trimestre 2009, consiste à intégrer différentes fonctions dans un circuit monopuce. Que ce soit pour associer les fonctions bande de base WiMAX avec la radio, un processeur de réseau ou la bande de base Wi-Fi, les objectifs restent les mêmes : proposer des solutions moins onéreuses et beaucoup plus compactes. Pour revenir sur votre question concernant le nombre élevé de fabricants de puces, nous pen-sons que les retardataires ne pourront trouver une place en WiMAX. Pour eux, le LTE apparaît clairement comme une porte de sortie. Certains d’entre eux vont se désengager du WiMAX dès cette année, c’est certain. De plus, les fabricants qui n’offrent que la partie bande de base ne survivront pas longtemps. Enfin, le marché des vendeurs de puces WiMAX se distingue par un nombre important de petites sociétés (moins de 300 personnes). Certaines d’entre elles sont la cible de rachat par des fabricants de circuits intégrés 2G et 3G qui s’appuieront sur une crois-sance externe pour acquérir la technologie OFDMA, et ainsi développer leur propre puce LTE.

Propos recueillis par Philippe Corvisier

Copy link
Powered by Social Snap