Jean-Marie Rolland, CTO de Renesas mobile : «A partir des mêmes briques de base, il y a mille et une façons de différencier un produit mobile»

Le 15/07/2012 à 19:09 par La Rédaction

L’accès à des coeurs de processeurs et autres blocs essentiels permet aux fabricants de concentrer leurs efforts sur la création de valeur aux niveaux système, architectural et/ou de l’implantation dans le silicium, dénote Jean-Marie Rolland.

Le concepteur de smartphones ou de tablettes se trouve aujourd’hui confronté à diverses options. L’une d’elles consiste à faire appel à des processeurs d’application et bande de base distincts ou réunis dans un même soC. Quelle est la politique adoptée par les fabricants de semi-conducteurs en fonction de la segmentation du marché ?

Jean-Marie Rolland : La dynamique des marchés repose aujourd’hui sur la segmentation suivante : les tablettes, les smartphones haut de gamme, les smartphones milieu de gamme et les smartphones dits ULC (Ultra Low Cost) qui correspondent à l’entrée de gamme. Dans le haut de gamme, les fabricants cherchent à différencier leurs produits de la concurrence par des écrans plus larges, des résolutions plus élevées, du traitement d’image mégapixel. Dès lors, des processeurs d’applications puissants, dotés des technologies les plus avancées, sont requis. Ceux-ci intègrent notamment une unité graphique apte à générer rapidement des images complexes avec un haut niveau de détails. De nouvelles interfaces telles que MHL/eDP, USB 3.0 et PCIe sont aussi nécessaires pour subvenir aux besoins mémoire. De plus, toutes ces plates-formes haut de gamme doivent supporter des connectivités IEEE802.11ac Mimo (deux antennes, 866 Mbit/s) et 802.11ad. Cette course à la performance oblige à innover sur des laps de temps extrêmement courts. Or, cette exigence s’avère incompatible avec le cycle de développement d’un modem qui est soumis aux lourdes campagnes de certification exigées par les opérateurs et l’industrie. Une approche discrète faisant appel à des processeurs d’application et bande de base distincts est conséquemment inévitable. L’exception confirme cependant la règle. En effet, une approche intégrée est concevable en fonction de l’importance d’autres paramètres venant s’ajouter à celui de la fenêtre de marché considérée. Chez Renesas Mobile, nous offrons par exemple une solution intégrée à destination des tablettes soumises à des contraintes spécifiques de format, de performances et de prix. Dans les segments milieu de gamme et ULC où les effets de volume prédominent, les aspects de compétitivité et de différenciation vis-à-vis de la concurrence sont essentiellement liés aux coûts de production. Interviennent alors des facteurs comme le niveau d’intégration, l’optimisation de la chaîne de production, les coûts matériels, les rendements. Il est important de sélectionner des technologies éprouvées permettant la maîtrise des coûts de production. La clef du succès réside dans le compromis optimal entre coût, performances et fonctionnalités. Dans ces deux segments de marché, la course à l’intégration est de mise afin de minimiser les coûts en fonction des performances et des fonctions assurées. Une approche intégrée faisant appel à un processeur d’application incluant un grand nombre de périphériques, dont le processeur bande de base et éventuellement la RF, l’unité de gestion de la puissance et la connectivité, sera préférée à une option discrète.

En termes d’intégration, quels éléments aujourd’hui externes pourraient encore avantageusement trouver place dans un circuit monopuce ?

Jean-Marie Rolland : Plusieurs possibilités sont envisageables dans l’avenir. L’intégration d’interfaces jusqu’à la couche PHY (USB 2.0, USB 3.0, MHL/eDP), celle du transceiver RF et de tout ce qui concerne la gestion de l’énergie et la charge de la batterie en sont quelques unes. L’inclusion du sous-système audio numérique permettrait pour sa part de faire l’impasse sur un codec externe. Enfin, l’ajout de technologies sans fil diverses (Bluetooth, Wlan, FM, GPS) est également possible. La décision d’intégrer ou non tous ces éléments est guidée par la recherche du meilleur compromis, et l’avantage sur le coût matériel n’est pas toujours clair. Certains OEM vont également avoir des préférences pour des solutions externes qui se fondront mieux dans leur offre globale.

Si l’on examine l’architecture des plates-formes mobiles, celles-ci sont souvent bâties autour des mêmes briques de base : des coeurs Cortex, des unités de traitement graphique PowervR d’Imagination Technologies, des accélérateurs de tous poils… dès lors, quels éléments sont réellement différenciateurs ?

Jean-Marie Rolland : En réalité, il existe un nombre vertigineux de produits exploitant les mêmes briques de base et qui, pourtant, adressent des besoins marchés et des catégories diverses et multiples. L’accès à des coeurs de processeurs et autres blocs essentiels permet aux fabricants de concentrer leurs efforts sur la création de valeur aux niveaux système, architectural et/ou de l’implantation dans le silicium. Renesas Mobile est un fournisseur de plates-formes et de solutions système bénéficiant d’une riche expérience bâtie sur des années de développement de SoC complexes, dont sa propre famille de processeurs. Ce savoir-faire nous permet de réaliser des implantations efficientes délivrant d’excellentes performances, et ce pour un coût et des niveaux de consommation très bas. Nous poussons l’intégration aux limites en combinant des coeurs de processeurs d’applications multiples, des unités de traitement graphique, des accélérateurs multimédia et bande de base multimode LTE/HSPA+. L’avantage compétitif se dégage sur la performance système grâce à des architectures de bus et de gestion de la mémoire efficaces. Renesas Mobile a ainsi développé l’architecture de bus S3$ (System Shared Streaming) permettant l’exécution optimale d’applications multimédias haut de gamme, tout en minimisant l’appel aux ressources mémoire. La conséquence est une réduction du besoin en termes de bande passante mémoire pour l’audio, la vidéo et le traitement de l’image. Des applications multimédias complexes tournent de ce fait à partir d’une interface mémoire LPDDR à un seul canal, à la fois moins coûteuse et moins gourmande en énergie que les solutions à deux canaux offertes par la concurrence. L’accès aux technologies silicium les plus avancées et les partenariats stratégiques établis avec les fonderies, pour optimiser et adapter à nos besoins ces procédés, nous permettent de réaliser des plates-formes telles que MP5232 tirant profit d’un process 28 nm dernier cri. Nos partenariats avec les fournisseurs de blocs de propriété intellectuelle nous donnent également un accès privilégié aux nouvelles générations d’IP.

Comment être suffisamment réactif sur un marché aussi protéiforme et dynamique que l’est celui des produits mobiles connectés ?

Jean-Marie Rolland : Notre objectif est effectivement d’être les premiers sur le marché et, pour ce faire, nous disposons d’un procédé unique d’intégration SoC. Celui-ci nous permet de réaliser en un temps record des dérivés adaptés sur mesure aux besoins de nos clients, avec la capacité d’intégrer un modem multimode certifié. Il en résulte des solutions aux prix agressifs qui exploitent au mieux les certifications existantes et la maturité du modem. Après tout, notre technologie modem se retrouve dans plus de deux milliards de produits et fonctionne sur la grande majorité des réseaux mondiaux.

Propos recueillis par Philippe Corvisier

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